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MÉMOIRES D’UN CONDAMNÉ
Beaucoup de havrais connaissent le boulevard Jules Durand, pour l’avoir emprunté sans doute plusieurs fois dans leur vie. Mais qui sait vraiment qui était cet homme ? Qui sait encore que l’histoire qu’il a vécue est sans doute gravée dans la mémoire et dans l’ADN des organisations syndicales ?
Jules Durand, ce n’est pas juste une plaque de rue, ce fut un homme à la destinée tragique dont voici un court rappel :
Secrétaire général du syndicat des ouvriers charbonniers du Havre, il fut accusé de complicité d’assassinat et injustement condamné à mort en 1910. Après 8 ans passés entre les murs d’une prison où seule résonnait l l’écho de ses pensées, il fut innocenté, mais trop tard, le mal était fait : devenu fou, il finit ses jours dans l’enceinte d’une autre prison, celle d’un asile d’aliénés.
On parle alors à l’époque et encore aujourd’hui d’une affaire Dreyfus à la mode havraise. Dans un contexte où la population ouvrière était malléable, l’affaire repose sur pléthore de faux témoignages monnayés par un patronat qui a l’approche de la mécanisation souhaite se débarrasser des charbonniers…Durand dérange, il est considéré comme dangereux, il structure une profession peu à peu dans un contexte de balbutiement syndical.
Sylvestre Meinzer, dans ce documentaire d’1h25 sortant en France début novembre, tente de faire ressurgir cette mémoire enfouie à travers les témoignages d’avocats, syndicalistes, dockers, hommes de justice, psychiatre, et même ce jeune enfant habitant dans l’ancienne maison de Jules Durand, ou encore sa petite-fille dont l‘émotion est palpable… et elle parvient à nous interroger nous même.
Au-delà de cette terrible erreur judiciaire- voire crime judiciaire – conduisant un homme broyé par la machination patronale à la folie, entrainant dans ses sillons d’autres victimes : sa femme, sa fille, et bien d’autres, je ne peux m’empêcher de penser que l’histoire se refait toujours et encore et que ce triste épisode est finalement terriblement contemporain.
Que peut-on apprendre d’une telle affaire finalement ? Si la réponse peut laisser perplexe, elle amène d’autres questions dignes de sujets de philo au bac comme celle-ci : la justice de classe a-t-elle disparu ?
A défaut d’apprendre, ce documentaire fait prendre conscience, et c’est déjà beaucoup.
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Ennevi
24 octobre 2017